J’ai avalé mon histoire comme j’ai mangé la tienne, Poète, Sculpteur ou Peintre d’éternité au présent… Quel repas, dis-tu, avons-nous partagé ? À quand, et avec qui , le prochain ? On verra... On lira ... | Marie-Thérèse PEYRIN - Janvier 2015

Christian LUX Hommage

ETAT DES YEUX | Eté 2020 | Une belle Amitié Bugiste : Christian LUX

Il est parti brutalement fin Avril, en plein confinement. Il est mort dans les bras d'une amoureuse... Elle a fait venir les secours... Il n'a pas survécu... Il avait mon âge... Nous nous connaissions en raison de notre Amitié commune avec Charles JULIET. Sa disparition a semé la stupéfaction parmi ses proches et ses ami.e.s  et aussi à Radio B de Bourg -en -Bresse  où il animait ou co-animait des émissions, dont la sienne L'Art c'est pas du Lux. Il nous manque douloureusement, mais son souvenir nous relie, il était un être généreux et profondément investi dans le partage des richesses culturelles, il était un humaniste actif et avait été un soignant attentif. Il avait fait de sa fragilité de gosse cabossé dès la petite enfance, une force de revitalisation et de courage pour aimer et aider les autres. Il était un homme debout et solaire, un joyeux ambulant propulsé par l'énergie de ses blessures. Un rescapé de l'abandon. Un écrivain en marche également. Il n'a pas eu le temps de boucler son parcours comme il l'aurait voulu.  Nous porterons désormais sa mémoire vivante. Voici le texte d'hommage intégral que j'ai écrit pour lui, sa version écourtée et modifiée se trouve dans l'enregistrement de Radio B diffusé le Dimanche 5  Juillet 2020 à 14h ( 90 minutes).

________________________________________________________

CHRISTIAN ET CHARLES

                                                                                                                                               
 
Photo Marie-Thérèse Peyrin ©

 

Christian LUX et Charles JULIET

chez la Jeanne à Bourg en Bresse

Lundi 9 Septembre 2019  

pour l’émission consacrée à Charles à Radio B en ma présence.

                                                                         

                                                                   

                                 

 

Abécédaire

 

 |||                           

pour une belle  Amitié Bugiste

 

 

en hommage à Christian LUX 

 

Lyon le Vendredi 27 Juin 2020

 

Parce que tu aimes les Lettres… 

 

 

Très cher Christian,

 

Avec Tendresse, je voudrais te parler comme à un très jeune enfant ou à un arbrisseau résistant qui aurait bravé toutes les tourmentes pour pousser dans une forêt qui n’a pas pu le reconnaître, le nommer afin de le rassurer suffisamment.

Je te dédie avec émotion, cette litanie…

 

 

A comme Aller jusqu’au cimetière de CORVEISSIAT, en pleine crise pandémique, n’avoir pas pu t’y rejoindre, pour tes obsèques début Mai.

 

B comme Berceau des Silences, Le Silence final dans lequel tu viens de retourner… Silences que tu as subis dans ta toute petite enfance Lyonnaise .

 

C comme Connivence, en hommage à ta force d’interrogation sur la place de l’Autre dans chaque vie, même parmi les plus cabossées.

 

D comme Détermination, dans ta reconstruction d’un Destin acceptable ,après déboires, dérives, douleur et don de soi, à foison.

 

E comme Écoute, écouter les autres, en faire ton métier, puis ton vif plaisir radiophonique, ici, à Radio B dans ton émission « L’Art c’est pas du Lux ». Empathie profonde…

 

F comme, Frénésie d’action, au fil de rencontres Littéraires et Artistiques que tu as su créer, afin de donner au plus grand nombre, cette « Nourriture » dont a parlé notre bel Ami partagé, Charles JULIET, dans toute son œuvre.

 

G comme Généalogie, à la recherche des traces administratives liées à l’Arbre-Père-Mère. Ce référent originaire demeuré inconnu de toi et qui t’a durablement caché la Source de tes angoisses, toutes arrimées à ton sentiment d’abandon, jusqu’à ce que tu décides de partir seul à sa rencontre, en passant par des recherches d’archive , et la pratique personnelle  de l’écriture …  Vers tes cinquante ans,  tu as fait le plus grand pas de ta Vie… Vertige généalogique de la découverte partielle de ta propre tragédie. Gratitude , envers ta famille adoptive, laquelle  t’a permis de grandir malgré tes peurs et ta colère légitime.

 

H comme Hôpital où en tant qu’infirmier psychiatrique, comme je l’ai été moi-même, puis psychologue clinicien, tu as croisé et soigné des personnes éprouvées, des enfants notamment. Tu les as accompagnés dans leur histoire, leur trajectoire, bien souvent en écho à ton « Malheur secret », et en qui tu as su voir des êtres tout autant fraternels, courageux et parfois, aussi résilients que toi.

 

I comme incandescent, avec ta fougue et ta bougeotte, ton ouverture extrême à l’inédit, y compris dans tes choix de vie …

 

J comme Jujurieux, le village familier de Charles Juliet à qui tu as envoyé avant de les faire publier, des lettres de lecteur attentif, des pages magnifiques, sans pour autant mieux te faire connaître de lui . Tu n’osais pas le déranger, aussi te voyait-il virevolter quelques fois, comme un insecte épris et captif dans la lumière d’une lampe attirante… Vous parliez Rugby. Ta remarquable mémoire des noms de joueurs vous rapprochait …

 

K comme Kaléidoscope de ta fratrie dispersée et recomposée par nécessité et hasard circonstanciels, à l’image attristante de la sienne…

 

L comme Libéré ou du moins soulagé, après plusieurs années de travail personnel psychanalytique. L  comme  livres en chantier, livres stoppés net en plein élan , Toi aussi tu voulais, entre autres projets, écrire un Abécédaire autour des livres de Charles. C’est ce qui m’a donné l’idée pour cet hommage.  Liens coupés, lettres en suspens… livres encore à venir… je l’espère encore fort aujourd’hui… Qui en prendra soin ? Ces Archives muettes, qui les publiera, en mémoire de Toi ?

 

M comme Mères, toutes les Mères empêchées…absolument toutes, les Mères absentes ou remplaçantes… Les « Mères d’ignorance», mères toujours manquantes, mères mendiantes et mortifiées… mortifères par absolue malchance…

 

N comme Nourriture que tu as refusée dans les premiers temps de l’adoption… Amputation de la bouche autrefois rivée au sein maternel, sevrage brutal… Placement … Toi aussi, tu as sans doute bu « le lait noir de la mélancolie » dont parle Charles dans un poème…

 

O comme Oubli… Oubli des Limbes de l’existence… « J’oublie de t’oublier » écrivais-tu dans ton carnet, phrase adressée à ta mère identifiée mais jamais rencontrée, une mère cruellement vivante à un moment donné, ou déjà disparue, inaccessible, quelque part… non à portée de regard… Tu ne sais pas où … Cela te rend fou de chagrin… T’avait-elle oublié toi et tes frères et sœur ? Avait-elle oublié de vous oublier ? Tu ne l’auras jamais su…

 

P comme Père déchu, volatilisé, peut-être volé à ton Amour d’enfant déraciné ?

 

Q comme Questions sans fin… dans un puits perdu…

 

R comme Rythme cardiaque, ton rythme cardiaque qui s’accélère lorsque tu accueilles entre tes mains le dossier administratif qui va enfin te révéler ton histoire, nommer tes attaches génétiques. La découverte de ton Passé transcrit sur  quelques feuillets que tu n’as pas eu l’autorisation de photocopier.

 

S comme Source maternelle emmurée à perpétuité, et pourtant tu ressasseras puis tu t’exclameras un jour : - Mère, je suis ta Sentinelle !

 

T comme Tes frères et sœur de naissance : Guy, Gérard, Joëlle, confisqués à ta tendresse…et à celle de tes parents … T comme Ta famille d’adoption où tu as trouvé refuge, éducation et soutien fiable et indéfectible. C’est d’ailleurs dans leur village et dans leur sépulture familiale que tu as pu être inhumé.

 

U comme Universel…Comment passer du cas particulier aux cas universels, porteurs de souffrance, de combat et d’espérance ? Tu te l’es demandé. Tu t’es imaginé Franciscain, aspirant à le devenir, d’une manière ou d’une autre, dans la simplicité et la pauvreté déjà endurée à tes débuts dans la vie.

 

V comme Voix éplorée, Vulnérable, Carnet Violet dans ton manteau d’hiver, dans ta veste d’été où tu consignais secrètement des paroles à la mère…et peut-être auparavant à l’amoureuse… Certaines lettres en poste restante… Le Vide de l’absence les a fait surgir… La quête d’Amour n’a pas de limites.

 

W comme petits Wagonnets de Mémoire que tu as rassemblés et articulés afin d’acheminer en son meilleur parcours, le train endiablé de tes vicissitudes et de tes réussites.

 

X comme Anxiolytiques, ces comprimés, que tu n’as pas voulu avaler au décours immédiat du moment même, historique, où tu as pu accéder sans anesthésie, aux données biographiques réglementaires, sombrement  Cette vie consignée relatant la situation familiale si difficile. Celle qui a conditionné et précédé le traumatisme indélébile de la dispersion graduelle et irréversible des petits LUX… « Donnés et non Abandonnés » du moins l’espérais-tu … longtemps après … par empathie pour eux.

 

Y comme le YIN-YANG, le recyclage permanent des flux et des courants vitaux au cœur de ta nuit ensoleillée.

 

Z comme Zone d’ombres, résiduelle, intouchable, préservée …car tu as « cultivé ton intérieur » pour faire fructifier « ton sentiment d’exister » à l’abri des menaces et des intrusions. Dès lors, cette « Joie Grave » tu ne t’en sépareras jamais , elle est gravée dans ta mort prématurée… Je la ressens physiquement et je vois ton sourire qui la dorlote... je perçois de surcroît ta douceur…

Ainsi, je te vois, homme mûr apaisé, je te le souhaite …

Avec toutes ces lettres de l’alphabet habillées, endimanchées avec déférence et affection, j’espère que tu entendras résonner les accents de l’amitié indéboulonnable que je te voue.  Mais aussi le désir de te rendre les mérites que tu n’as peut-être jamais osé mettre en avant devant tes ami.e .s, tes amours et tes proches dont certains  témoignent ici de ton éclairant passage sur Terre…

Parler un peu de toi, de ta vie n’est pas un luxe, c’est ni plus ni moins une restitution d’identité. Un chant apaisant pour l’éternelle vie.  Ciao, Christian ! On se retrouvera… Chez La Jeanne à Bourg en Bresse ou ailleurs, c’est toi qui décides !

 

Ton Amie de Lyon, Marie-Thérèse Peyrin

 

_______________________________________________

Cliquer iCi! pour écouter la version courte ( 4 mn) mais aussi l'hommage Collectif  enregistré avec 23 participant(e)s et diffusé le Dimanche 5  Juillet ( 90 mn) à Radio B. Merci à Elodie Gadiollat pour son travail de mise en lien des participant.e.s et le montage de cette mémorable émission.